Sud Radio, la Minute du Coach.
Pablo : Bonjour Fabian !
Fabian : Salut Pablo !
Est-ce que ça nous arrive souvent de nous tromper sans le savoir ?
Je crains que oui. Beaucoup plus souvent que tu ne l’imagines.
Exemple ?
2 + 2 Pablo ?
4
Bien, 58 x 73 ?
Je t’ai piégé.
J’ai besoin d’un papier, d’un Bic. Calcul écrit.
Je t’ai piégé, mon cher Pablo.
Quand je te dis 2 + 2 et que tu me réponds 4, c’est ta pensée rapide, dite aussi ton Système 1, qui répond. C’est immédiat, c’est automatique comme le pilotage automatique dans un avion.
Ça ne te coûte aucun effort. Par exemple, si je fais ça, voilà, je viens de lui envoyer quelque chose.
Je l’ai rattrapé par réflexe.
Il l’a rattrapé par réflexe et il vient de me le renvoyer, je le rattrape par réflexe.
Donc, dans les deux cas, c’est notre Système 1.
Je ne suis pas en train de me dire (ça serait alors le Système 2) : “Pablo vient de m’envoyer un objet, il faut que mes mains se saisissent de cet objet avant qu’il ne tombe par terre.”
Je n’ai pas le temps, c’est immédiat.
Quand je te demande 58 x 73 … je ne sais plus quel était le calcul…
Tu connais la réponse toi ?
Non, bien sûr, je ne la connais pas. Alors là, je t’oblige à utiliser ton Système 2, ta vitesse lente qui est extrêmement paresseuse. Notre pensée lente est paresseuse. Et nous fonctionnons en permanence avec ces deux systèmes de pensée.
En alternance.
Oui, ou en même temps et alors ça crée des distorsions. Ce qu’on appelle des biais cognitifs qui altèrent notre jugement.
Je vais donner quelques exemples qui j’espère intéresseront les auditeurs de Sud Radio et leur montreront comme on peut souvent se tromper.
Une expérience tout à fait fascinante qui a été effectuée en laboratoire.
On demande à des sujets, des gens qui participent à l’expérience, mais sans bien sûr connaître les conclusions que les scientifiques souhaitent en tirer et on leur dit :
“Vous allez plonger la main gauche dans un bassin d’eau froide à 14° pendant 60 secondes.”
Et à 5 reprises, on leur demande de plonger la main dans un bassin d’eau froide à 14°, 60 secondes.
Puis on refait une expérience similaire avec la main droite. Cette fois, ils plongent la main droite dans un bain d’eau froide à 14°, mais après à la soixantième seconde, l’eau passe à 15°.
Et 5 fois de suite cette expérience est renouvelée : 60 +30, 60 à 14°. 30 secondes 15°.
Et au terme de cette expérience, quand on demande aux gens : “Des deux expériences, quelle est celle que vous souhaiteriez reproduire ? “
La grande majorité souhaite reproduire la deuxième.
Alors que ça n’a aucun sens puisque dans le deuxième cas de figure, votre main est plongée pendant 90 secondes dans l’eau froide plutôt que 60.
Mais, biais cognitif oblige, donc c’est le thème de cette capsule – le biais cognitif, ce qui altère complètement votre perception – comme votre cerveau n’a pas d’idée de la durée, fait fi complètement de la durée, lui, ce qu’il a aperçu, c’est le delta. C’est le changement.
Je passe de 14 à 15, donc c’est mieux.
Mais en fait non, c’est faux, il vous trompe. Je vous donne un autre exemple plus simple.
Pablo, tu rencontres quelqu’un qui t’est extrêmement sympathique. Mettons, tu rencontres quelqu’un qui est souriant, qui est avenant, qui est chaleureux et puis tu demandes à la personne :
“Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?”
“Je suis kiné”. Est-ce que tu ne vas pas te dire, et cela sera presque inconscient : “ça doit-être un bon kinésithérapeute.” ?
Probablement.
Si, bien sûr, c’est ce qu’on appelle l’effet de halo. C’est un autre biais cognitif. Une toute petite caractéristique, il est sympathique, te fait généraliser : s’il est sympathique, il est ipso facto, bon kinésithérapeute.
Et peut-être a t-il détruit des milliers de dos.
L’inverse pourrait être vrai. Il est absolument antipathique, jamais j’irai me faire soigner chez lui.
C’est un mauvais kiné.
Et peut-être c’est le meilleur de la région.
C’est un autre biais cognitif, l’effet de halo qui va perturber complètement notre perception.
Et j’en donne un dernier :
Souvent, très souvent, nous avons tendance à valider ce que nous pensons et à chercher des ingrédients qui vont nous permettre de valider notre théorie.
On dit que la théorie détermine la perception.
Je prends un exemple très simple. Si ma théorie c’est qu’une voiture française, c’est confortable mais que ça clicote beaucoup. Dès que je rentre dans une voiture française, je vais trouver des éléments qui renforceront cette théorie.
C’est pour ça que la théorie détermine la perception.
Mais en réalité mes sens me trompent. Est-ce que je suis clair Pablo ?
Tout à fait !
Alors les amis, pourquoi je vous ai raconté ça aujourd’hui ?
Pour que vous sachiez que vous n’êtes pas complètement libre, pour que vous sachiez que vous êtes aussi le jouet de vos sens.
Au moment où vous vous rendez-compte, où vous avez conscience que vous n’êtes pas complètement libre, vous le devenez un petit peu plus.
Bon vol avec les aigles.