Le marketing aime les métaphores guerrières : vous attaquez un marché, vous pratiquez, selon la formule célèbre de Conrad Levinson, le “marketing guérilla”, vous ciblez en “sniper” ou optez pour le “carpet bombing”. Il se veut viril, le marketing !
Heureusement, deux auteurs, W Chan Kim et Renée Mauborgne, nous ont offert, en 2005 puis en 2010, une métaphore maritime bien plus romantique : la Stratégie Océan Bleu. Dans leur livre du même nom – un livre remarquable -, ils y opposent l’océan rouge.
L’océan rouge est ce marché où la concurrence est vive. Pour défendre ses parts de marché, la bataille est rude et sanglante, si sanglante que l’eau en devient rouge.
Chacun veut conquérir les parts de marché des autres, en se différenciant soit par le prix, soit par la valeur. Cibles visées : les consommateurs.
L’Océan Bleu requiert une tout autre approche, un véritable changement de paradigme.
Quand les produits et services se banalisent, quand la guerre des prix fait rage, quand les bénéfices s’érodent, il s’agit de sortir de l’impasse !
Les profondeurs abyssales de l’Océan Bleu
Vous le pouvez grâce à un véritable saut de valeur, en visant un espace stratégique non disputé, où la concurrence sera hors-jeu. Vous serez incomparable, au sens où il n’y aura pas de comparaison possible avec les compétiteurs. Vous vous adresserez à des non-consommateurs en leur offrant à la fois de la valeur et un prix !
Si votre acheteur perçoit un “plus-produit” évident, si le prix lui donne une irrésistible envie d’acheter, si votre offre est rentable au prix stratégique, vous serez bel et bien dans un Océan Bleu.
Cela exigera aussi un changement de culture au sein de votre entreprise : une culture de confiance, d’engagement et de coopération à tous les échelons : la mobilisation de TOUS.
Monsieur B., par exemple, gérant d’une agence immobilière dans la région de Bruxelles, fit ce pari.
Il avait constaté que 35% des vendeurs de biens ne passent pas par une agence et s’était demandé comment il pouvait les séduire, ce qu’il pouvait leur offrir.
Sa réponse fut : La Maison de l’Immobilier. Ce serait le lieu où le vendeur pourrait recevoir les outils et conseils nécessaires pour mener la vente à terme lui-même… Un océan bleu a priori.
Très sincèrement, j’ignore si le marché y a répondu favorablement et où il en est aujourd’hui dans son projet, mais il était beau.
Si vous surfez sur internet, de blog en blog, d’article en article, vous lirez maints articles citant et explicitant les stratégies océan bleu de multinationales.
Même si je vous encourage vivement à imiter les meilleurs, les ténors, à modéliser les stratégies d’excellence, je continue de vouloir m’adresser à travers ce blog, aux TPE et aux PME, à qui il est destiné.
C’est pourquoi je préfère vous livrer, en vrac, des exemples à notre portée, plutôt que Starbuck, eBay, Ryanair, Abercrombie (si vous ne connaissez pas, vos ados d’enfants, eux, connaissent !), Vélib’, McDo ou Novo Nordisk, ce laboratoire danois qui a bouleversé le marché de l’insuline en inventant le stylo Novo Pen. Ce stylo permet aux patients diabétiques de s’injecter eux-mêmes les doses d’insuline dont ils ont besoin. Aujourd’hui, Novo Nordisk est leader d’un marché qu’il a inventé ou réinventé.
Vous serez seul dans l’Océan Bleu !
Alors ces exemples pour PME ! J’y viens !
Quid de UpMyStore, cette plateforme qui offre, aux chanteurs, dont bibi ( !), de vendre leurs chansons sans passer par une maison de disques ? Ce sont bien des non-consommateurs ! La valeur perçue est réelle et le prix, modique.
Et Voiturelib, cette entreprise de location de véhicules qui offre, à chaque automobiliste, de pouvoir louer son propre véhicule, à un particulier, quand il n’en a pas besoin ?
Et Mistercostumes, ce vendeur de costumes de mes amis, qui vend exclusivement sur rendez-vous, de beaux costumes à prix coupés ? Vous vous garez facilement, en dehors de la ville, de ses embouteillages et de ses parkings aux prix insolents, et vous avez droit au show-room et au vendeur pour vous tout seul. Il ne s’agit pas d’un Océan Bleu car ses clients ne sont pas des non-consommateurs, mais si ça c’est pas du service ! D’ailleurs, il duplique son concept aux 4 coins du pays et ses ventes explosent… malgré la crise !
Mister Costumes, c’est lui : Georges Léglise !
Quoi qu’il en soit : innovez, innovez, innovez !
Innovez de façon cosmétique quand le client, au travers d’études de satisfaction ou mieux, de simples conversations (c’est aussi une technique), vous oriente, vous montre la voie vers son produit ou service idéal.
Mais osez aussi l’innovation de rupture, celle pour laquelle ledit client ne vous sera d’aucun secours. Comme l’a dit Henri Ford et c’est l’une de ses célèbres formules, « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils désiraient, ils m’auraient répondu un cheval plus rapide ».
Dans ce cas, optez pour le co-développement, soit, développez votre produit, votre service en le mettant au point avec la collaboration de l’un de vos clients. Et procédez par itération.
Vos concurrents copieront sans doute vos innovations, pas votre capacité à innover. Faites-en un véritable modus vivendi, le fondement même de la culture de votre entreprise.
À défaut, vous ne gouterez jamais aux délices des profondeurs abyssales de l’Océan Bleu. Vous pataugerez dans la Mer Rouge ou pire : vous échouerez… dans la Mer Morte…
Et puisqu’un bon « marketeur » est avant tout un bon surfeur, qui identifie les bonnes vagues et – surtout – les prend au bon moment, je vous souhaite de belles et bonnes déferlantes à tous !
Bon Vol avec les Aigles les Amis, et à très vite !
Fabian
3 actions pour aller plus loin et réaliser un saut de valeur, une véritable percée :
- Benchmarking : identifiez 10 entreprises dans 10 secteurs d’activité différents du vôtre, qui ont réalisé une percée. Comment pouvez-vous vous en inspirer, les modéliser ?
- Brainstorming : segmentez vos activités et pour chaque sous-activité, brainstormez avec votre équipe et listez au moins 20 possibilités de percées !
- Test : testez-en au moins 3 et percez !