Interview de Marion Gontcharuk, formatrice, coach et consultante
Fabian Delahaut (FD) : Marion, vous m’avez dit que le thème de la procrastination vous touchait. En quoi, svp ?
Marion Gontcharuk (MG) : Effectivement, j’anime de nombreuses formations sur le time management, et il m’arrive d’être confrontée à la procrastination. Cela dit, elle ne se traite pas en 30 minutes. C’est basé sur quelque chose de profond, sur des croyances. Ce n’est pas anodin. D’ailleurs, une formation au time management ne résout pas la procrastination.
FD : Comment s’y prendre alors ?
MG : Je peux déjà vous conseiller ce livre :
Les auteurs y dévoilent toutes les racines possibles de la procrastination. Les connaître permet déjà de procéder à son autodiagnostic, d’identifier où le bât blesse.
Par exemple, une personne de mon entourage s’est rendue compte qu’elle procrastinait. Il s’agissait pour elle de démarrer un projet représentant une importante somme de travail, dans un nouveau domaine pour elle. Cependant, comme elle aime être parfaite et qu’elle n’était pas sûre de réussir, pour la première fois de sa vie, elle s’est mise à procrastiner !
FD : Pour la première fois ?
MG : Oui, cela peut arriver à un moment précis de notre vie !
Je lui ai alors proposé de lire « Comment ne plus être en retard », ce qui l’a aidée, même si elle m’a avoué que dès qu’elle relâche son attention, elle retombe dans sa zone de confort et procrastine à nouveau au niveau de son projet…
FD : Et que trouve-t-on dans ce livre ?
MG : Les auteurs préconisent notamment la formulation d’objectifs concrets qui nous tiennent à cœur et la tenue d’un anti-agenda ! Notez toutes les activités que vous faites, même s’il s’agit de tâches ménagères. Certaines personnes n’ont pas la conscience de tout ce qu’elles font, donc leurs projets n’avancent pas.
Toutes les raisons pour lesquelles on procrastine, et les dangers qu’on s’invente pour ne pas arrêter. Puis les domaines dans lesquels on procrastine. Par exemple, vous pouvez procrastiner pour remplir votre déclaration d’impôts ou un autre type de travail administratif, ou pour procéder à des paiements. Il y a différentes formes de procrastination. On ne procrastine pas partout. Déjà, vous vous lavez !
Les auteurs de l’ouvrage posent aussi la question : que fais-tu pendant que tu procrastines ?
Ils énoncent également les 11 commandements du retardataire, tels que : vouloir être parfait en toute chose, ne rien faire par sécurité, pour ne pas échouer, éviter tout défi, ne pas renoncer à quelque chose ou à quelqu’un, attendre avant de trouver la bonne solution, etc.
Souvent, il y a une peur de l’échec. Comme le dit Richard Beery, si l’une de vos croyances est que « valeur personnelle = aptitude = rendement », alors, il y a de grandes chances de procrastiner car vous voulez garder une bonne opinion de vous même.
FD : Si une formation en gestion du temps ne permet pas de traiter la procrastination, que conseillez-vous comme approche ?
MG : A vrai dire, je songe à organiser une telle formation qui consisterait, notamment, à changer les croyances, une formation sous forme d’atelier, avec introspections, échanges, et solutions.
Voir ce qui vous retient d’avancer, puis se fixer des objectifs SMART, donc très concrets. J’entends par objectifs SMART des objectifs qui soient :
- Spécifiques (anglais : Specific)
- Mesurables (anglais : Measurable)
- Acceptables (anglais : Achievable)
- Réalistes (anglais : Realistic)
- Temporellement définis (anglais : Time-bound)
Mais tant que le procrastinateur n’a pas compris d’où ça venait, je le répète, les techniques de time management ne sont pas utiles.
Je conseille aussi de mélanger la pensée créatrice à ces autres techniques. En effet, il faut surtout se sentir bien pour avancer et ne pas avancer dans la peur.
FD : Qu’entendez-vous par « pensée créatrice » ?
MG : Pour ce qui me concerne par exemple, plutôt que de me forcer – je déteste me forcer, je ne supporte pas les « il faut » et les « je dois » ! – je profite des mois de juillet et août, pour être comme un cheval en prairie : j’ai du temps pour tester de nouvelles techniques et être créative. Anticiper le succès avant de commencer l’action à entreprendre.
Ainsi par exemple, je ne vais pas « bêtement » préparer une opération de prospection téléphonique mais inventer une nouvelle manière de faire du networking. Que je contacte mes futurs clients ou mes amis, je vais ruser avec les parties de moi qui n’ont pas envie de ceci ou de cela.
Cela va restaurer ma confiance, mon cerveau va fonctionner autrement, et je vais me créer une nouvelle réalité. C’est plus profond que du simple time management.
La difficulté, c’est d’effectuer le premier pas, d’initier le mouvement. Et j’insiste, si vous avez une excellente idée mais que vous procrastinez quand même, le mal est plus profond. Lisez donc les 11 commandements du retardataire et analysez vos croyances limitantes.
Une thérapie peut d’ailleurs s’avérer nécessaire : visiter son passé et analyser ce qui bloque, si vraiment, vous ne vous en sortez pas.
FD : Vous avez un exemple pour illustrer ça ?
MG : Oui, le simple exemple de la personne qui souhaite trouver un emploi mais ne cherche pas et attend car… elle craint un refus.
FD : Et si nous n’avons à notre disposition ni psy ni livre de référence ?
MG : Je conseille de trouver des trucs qui ne soient pas du ressort de l’autodiscipline. De mon côté, je cherche le ressort intérieur pour m’y mettre sans effort, en privilégiant un aspect plus ludique, par exemple. Je me dis que je fais des expérimentations, que bientôt je serai une pro et que ce sera plus facile. Il s’agit encore d’utiliser son cerveau autrement.
Ou travailler à côté de quelqu’un qui ne procrastine pas et qui est efficace. Cela peut vous motiver, même si vous ne travaillez pas sur le même projet.
FD : Que faire si on est face à quelqu’un qui procrastine ?
Vous lui exprimez votre ressenti, vous posez des limites, des échéances aussi, et surtout, vous récompensez les progrès !
Dans le cas de la procrastination, il convient de faire comprendre au retardataire qu’il compte, comme comptent ses performances. Dire aussi les implications de sa procrastination et l’encourager, même s’il n’a que 15 minutes pour travailler sur son projet, à le faire. Ne pas remettre au lendemain en se disant qu’il manque de temps, que ça ne sert à rien. Bref : un pas à la fois !
Cela étant, soyez aussi attentif à ne pas trop charger la barque…
FD : Merci Marion !
Spécialiste en communication interpersonnelle et consultante en entreprises, Marion Gontcharuk, Managing Partner de Gontcharuk & Associates, est spécialisée en conseil, formation et coaching en entreprises et institutions.
Ses domaines d’intervention sont :
- Management, coaching, recrutement, concertation sociale
- Techniques de vente et de négociation
- Communication, Assertivité
- Gestion de l’agressivité
- Gestion des priorités et efficacité personnelle
Elle est accréditée et distribue les tests de compétences de Saville Consulting, qui mesurent les motivations, les talents et la culture préférée des personnes.
Sa phrase préférée : « Ce qui se trouve derrière ou devant nous, n’a que peu d’importance, comparé à ce que nous avons en nous. » Ralph Waldo Emerson